Crise d'ado
Si la technologie actuelle en
terme de jeu vidéo apporte son lot de réjouissances, l'évolution que subit en
même temps le média apporte elle son lot de complications, et le problème de la
linéarité ou non d'un titre est l'un des plus complexes. A l'époque des jeux
ouverts, initiée en 2001 avec le « sacro-saint quoique pas très catholique »GTA III, les joueurs sont de plus en
plus friands d'open-wolrd, remplis de choses à faire et de lieux à visiter.
Presque naturellement, cette ouverture initie l'idée qu'un joueur, tout libre
qu'il est de ces déplacements, peut se déplacer d'un point A à un point B, mais
en passant d'abord par C , D voir même Z si ça l'arrange. Cette capacité à
revisiter l'alphabet dans le sens qu'on désire est associée désormais à l'idée
de non-linéarité. C'est la liberté totale, comme passer du moniteur de ski au
hors-pistes. Oui seulement le hors-pistes, comme on le dit souvent, c'est
dangereux et pas très conseillé...
La non-linéarité par la grandeur
des lieux acquiert ainsi le statut d'un certain idéal du jeu vidéo. Par
opposition, beaucoup de joueurs dénigrent du même fait les jeux dits fermés et
linéaires, appelés plus communément les jeux à couloirs. Une appellation prompt
à me faire dresser mes 3mm de cheveux sur la tête. Ces jeux là, depuis 2001,
sont des jeux « répétitifs ». Avant, c'était simplement des jeux. Il
suffit de penser au cas FFX, taxé de
linéaire dans tous les coins, pour s'en rendre compte. En quoi est-il plus
linéaire que les épisodes VII, VIII et IX? J'ai beau cherché, je ne vois définitivement pas. A croire que
certains ont trouvé la réponse dans la simple map du niveau en haut à gauche de
l'écran, absente des précédents épisodes.
Là, deux questions se posent dans
mon cerveau en éruption. La première : être libre de ses déplacements
signifie t-il vraiment que le jeu n'est pas linéaire, et surtout, vice-versa?
La seconde : à force de vouloir réciter l'alphabet dans le désordre,
est-ce qu'on ne s'écarte pas un peu trop de l'ordre naturellement établi,
celui-là même le plus apte à mettre en forme une narration ? Il ne s'agit
pas ici d'affirmer que la linéarité est partout, ou n'est nulle part, mais
plutôt qu'elle n'est pas forcément là ou on croit qu'elle est, et surtout
qu'elle peut être tout autre chose qu'un horrible défaut.
Il t'course dans les cou-loiiiiiiiiiiirs
Pour apporter un semblant de
réponse à ma première question, j'aimerai m'attarder sur la structure même de
progression qui régit les jeux. La première : celle dite « en
étoile » (copyright sensei), et qui procure une bien étrange sensation de
liberté. On part d'un point O au centre, on va explorer une branche A, on
revient, on fait l'autre branche et ainsi de suite jusqu'à avoir fait le tour
et buté le boss qui nous attends au centre depuis le début du jeu. C'est Shadow of the Colossus (que je ne
prendrai pas la peine de commenter, puisqu' étant à peu près le seul jeu sur
Terre à tirer pleinement partie de
l'utilisation de cette structure casse gueule au possible), et surtout Assassin's Creed et Prince of Persia. Des jeux aux aires
immens...séments vides ! Certes ce n'est pas GTA non plus, donc appelons les des jeux semi-ouverts. La liberté de
déplacement est totale certes, mais quel est son aboutissant ? Elle
n'offre rien en termes de gameplay, ni en terme de récit et les grandes étendus
représentant les « branches de l'étoile » auraient aussi bien pu
ressembler à un réseaux d'égoûts. Bref des jeux dits « ouverts », et
qui pourtant n'ont rien de moins répétitif qu'une suite de couloirs.
Couloir = variété : c'est possible, t'entends ?
Parlons-en des couloirs. La seconde
structure, j'ai nommé « A-B-C - suivez le guide merci - D-E-F - restez
bien en ligne jusqu'à Z » est-elle
vraiment si répétitive que cela ? Tous les cas sont différents, mais il est
intéressant de discuter de certains échantillons. Il me parait abbérant
d'entendre dire que MGS3 est
linéaire par exemple, et quiconque ose l'affirmer a dû louper les Ÿ de ce que
le jeu propose. Pourtant ils ont été nombreux en mars 2005 : « c'est
qu'une suite de couloirs », « super la Big Shell en vert avec des
feuilles »...etc etc. Je sais pas, peut-être que Snake aimerait bien se
palucher sur son Playboy volé et boire un thermos de survie en haut de la
colline dont l'accès a été interdit par le méchant game designer, mais comme on
est pas dans les Sims non plus , il se trouve qu'il a une mission à remplir
quand même. Plus sérieusement, quel est l'intérêt d'étendre artificiellement
une air de jeu, quand d'immenses possibilités vous sont offertes pour choisir
le moyen de passer un de ces couloirs tant décriés? Quand pour passer dans la zone suivante, vous
pouvez :
A_ Tuer ou endormir directement
les gardes
B_ Vous faufiler sans bruit
C_ Les distraire avec un journal
pas piqué des vers
D_ Leur faire tomber une ruche
sur le coin de la gueule
E_ Tirer sur leur radio pour les
éliminer pépère ensuite
F_ Poser Claymores et C-4 sur les
tours de garde
G_ Lâcher un serpent ou un
scorpion sur eux
H_ Feindre la mort
........
Z_ Utiliser les boîtes en cartons
, dites moi alors où se trouve la
linéarité? Nul par ailleurs que dans les limites de l'imagination du joueur. Car
après tout, la liberté du choix d'action, de la manière de progresser n'est
elle pas, au final, plus profonde et intéressante à exploitée que la liberté de
mouvement ? Un postulat récemment portée à son apogée par Heavy Rain, sur
lequel je reviendrai un peu plus loin.
Une liberté totale d'action et de
déplacement à besoin d'une justification, elle ne se suffit pas à elle même. Un
jeu qui nous jette dans un monde de libre arbitre complet n'est pas
immaginable : des jeux comme MGS2 ouBioshock l'ont brillamment prouvés,
les développeurs nous emmènent là où ils veulent bien que nous allions. D'où la
structure bi-partie de jeux comme GTA,
qui combinent « faites ce que vous voulez dans notre monde et les limites
qu'on vous prescrit » avec « quand vous êtes en mission, filez droit
ou try again ». Si la première partie n'est rien d'autre que l'idéal de la non-linéarité et du libre
arbitre/déplacement, la deuxième partie ne s'éloigne pas tant que ça de la « linéarité »
des couloirs dans d'autres jeux. Reste
que la partie scnéarisé d'un GTAdispose d'un enjeu direct, ce qui n'est pas le cas, ou moins en tout cas, lorsqu'on vous jette simplement dans le bac à
sable.
Linéaire avec un grand H
C'est ici qu'intervient la
« linéarité » au service du récit. Et j'entre in da place avec mes
Tims : le cas FFXIII ! Alors
on ne va pas redébattre de tout le jeu, mais l'exemple est ici trop bon pour ne
pas être utilisé. En effet, lors des 20 premières heures de FFXIII, la route est droite, et on a
beau être souvent aux commandes de la superbe et tranchante Lightning, rouler
du cul est un luxe qui ne nous est pas offert. Malgré tout, force est de
constater que la justification de Kitase quand à cet agencement du jeu tient la
route : les persos sont en fuite, pas le temps d'aller à droite à gauche,
il faut agir, shoot first & think later. Et le développement des
personnages, la mise en place du récit et du système de combat de se faire en
douceur et sans accrocs. Un soucis de crédibilité donc. Il est d'ailleurs
amusant de constater que c'est à partir du passage « open world » sur
Pulse que le jeu s'éparpille scénaristiquement, et ramène sur le devant de la
scène le côté niais « nous sommes jeunes et prépubères, allons sauver le
monde, le peuple a besoin de supers héros » qui s'était jusque là plutôt
bien tenu. Cela dit, une jolie fin rattrappe le tout. Enfin là n'est pas la
question, mais tout ça pour dire que oui, la linéarité peut tout à fait se
justifier par le récit, et même faire que celui-ci en sorte grandi.
Bien entendu, « open world »
et bon scénario ne sont pas incompatibles, GTA
IV et Red Dead Redemption l'ont
récement démontré avec brillo. Mais le « cloisonnement »
à tout de même tendance à apporter une certaine plus-value. J'aborde ici le
dernier cas : Heavy Rain, ou la
linéarité du gameplay dans son summum. Mais là encore, si ce genre de récit n'a
aucun équivalent dans le domaine du jeu vidéo, c'est à cause de ces partis
pris. Un jeu de ce genre (comprenez « une histoire comme celle-ci),
dans un monde ouvert, avec un gameplay TPS classique, est impossible et
inconcevable. Pourquoi ? Car ce « sacrifice » du gameplay est
absolument indispensable au récit, qui peut ainsi se dérouler comme le joueur
le veut, selon ses choix, sans que celui-ci puisse cependant interférer d'une
quelconque manière avec son déroulement naturel, puisque qu'aucun game over n'est
présent : quoiqu'il arrive, l'histoire avance et de manière non linéaire
puisque impossible à prévoir, puisque les « couloirs » sont ici des « embranchementpotentiels ». Et une histoire
qui s'arrêterait pour reprendre, ce ne serait pas Heavy Rain. Un gameplay linéaire donc, mis au service à la fois d'un
récit qui ne l'est pas ou peu, et de la liberté de choix des joueurs en ce qui
concerne la manière d'aborder le jeu.
Au final, la linéarité est donc
difficilement définissable avec précision à travers le spectre du jeu vidéo.
Les maps de FFXIII et de MGS3 ? Le gameplay de Heavy Rain ? Le récit et la
structure d'Assassin's Creed ? La répétitivité du premierUncharted ? Touchant à
plusieurs domaines, elle semble présente dans à peu près tous les jeux si on
écume un peu les forums. C'est peut-être le cas après tout, mais essayons de ne
pas oublier qu'elle sait aussi se justifier quand il le faut, et que la qualité
de certains éléments dépend parfois directement d'elle. Non mais regarder Shadow of the Colossus, est-ce que ce
jeu n'est pas aussi linéaire qu'il est inoubliable? Merde, j'avais dit que j'en
parlerai pas.